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A 3 semaines du stage obligatoire, plus de la moitié des élèves de seconde n'en ont pas trouvé

Pour la première fois cette année, tous les élèves de seconde générale et technologique doivent obligatoirement effectuer un stage d’observation de deux semaines dans une entreprise. Mais à trois semaines du début de cette période de stage, 50 % à 70 % des 500.000 élèves de seconde à travers la France n'ont toujours pas trouvé d'organisme pour les accueillir, selon les syndicats nationaux SNES-FSU et SNPDEN-UNSA.

  • Par: adminradio
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Des dates qui ne collent pas avec le calendrier scolaire

Annoncée en fin d'année 2023, l'obligation de stage pour les élèves de seconde demande à ceux-ci de s'immerger dans le monde de l'entreprise pendant deux semaines afin d'y voir plus clair sur leur orientation professionnelle, et donc les choix de spécialité à faire pour la suite du lycée. En Guyane comme pour tous les élèves à travers le territoire français, ce stage d’observation devra être effectué du 17 au 28 juin 2024. Or, pour Florent Hénnion, co-secrétaire départemental du syndicat enseignant FSU Guyane et professeur de physique-chimie au lycée Lama–Prévot à Rémire Montjoly, ces dates ne sont pas idéales par rapport au calendrier scolaire :

La période considérée, c'est aussi une période pendant laquelle les élèves de première année de CAP, de seconde bac pro et de première bac pro partent en stage traditionnellement puisque c'est une période pendant laquelle les deuxième année de CAP et les élèves de terminale bac pro ont leurs examens et donc les établissements les reçoivent pour l’examen. Ils ne reçoivent donc pas les autres élèves en cours, et donc en fait on a énormément d'élèves qui se retrouvent en stage à la même période. Des élèves de seconde viennent s'ajouter aux élèves qui sont traditionnellement en stage à cette période et donc nous on a déjà des retours d'élèves qui nous disent : « Au début il y avait un patron qui m’avait dit oui mais il m'a rappelé deux jours après pour dire qu'un élève de la filière professionnelle s'est présenté et que du coup il va plutôt privilégier l'élève de la filière professionnelle. » On a pas mal de retours d'élèves qui sont en difficulté pour trouver leur stage.

Gabriel Attal, alors ministre de l'Education Nationale, avait expliqué dans une vidéo parue sur TikTok en novembre qu'il s'agissait pour lui d'égaler "tous les pays qui réussissent mieux que (la France) sur l'orientation" où la pratique des stages est beaucoup plus répandue. Dans cette même vidéo, il affirme avoir rencontré le monde professionnel pour les sensibiliser à cette nouvelle mesure, et sur son site dédié, le ministère de l'Education Nationale indique que 300 entreprises sont déjà répertoriées et se sont engagées à accueillir les élèves. Un chiffre qui ne semble pas correspondre à la réalité démographique, puisqu'aujourd'hui entre 50 et 70% des élèves n'ont pas de stage.

Manque de communication, inégalités sociales, l'Etat irait-il trop vite ?

Si en Guyane certains élèves ont trouvé une entreprise pour les accueillir, d’autres sont toujours à la recherche à trois semaines de la date butoir. C’est ce que nous ont expliqué des élèves du lycée Melkior-Garré à Cayenne. Selon certains d’entre eux, le sujet aurait été évoqué rapidement dans l’année, sans qu’un réel accompagnement n’ait été proposé par les équipes pédagogiques :

Je vais réaliser mon stage au même endroit où je l'ai fait l'année dernière en troisième, dans un cabinet de kinésithérapie. Ça me fatigue un peu après. Quand je l'avais fait l’année dernière, l'endroit où j'ai fait le stage était plutôt bien. Donc ça va. Comme ça me plaît ce qu'on fait là -bas, donc ça va. Le professeur principal en a parlé très brièvement. C'était pas très sérieux la manière dont il l’a dit. Oui, il l’a mentionné mais à mon goût, on est un peu livrés à nous-mêmes, confie cette élève.

Dans les propos de cet autre élève, transparaît, non sans une forme de fatalisme, que l'objectif du stage ne semble pas très clair :

"Moi je sais pas si je vais vraiment le faire le stage. Donc si je trouve un, je vais le faire. Si je trouve pas, ben... ça ne sert pas à pas grand chose, le stage."

Au-delà du manque de communication pointé du doigt par les élèves, cette nouvelle obligation de stage met à jour des inégalités entre les établissements et même les lycéens. Pour Florent Hénnion, l’Etat aurait pris cette mesure sans anticiper les différentes réalités socio-économiques en jeu :

Le ministère a mis la charrue avant les bœufs, c'est-à-dire qu’ils prennent leurs décisions sans consulter personne. Ils imaginent une mise en œuvre à nouveau sans consulter personne. Et encore une fois, la réalité les rattrape et le contexte les rattrape, et en Guyane encore plus qu'ailleurs. C'est-à-dire qu'on sait très très bien que le tissu économique est peut-être un petit peu moins développé en Guyane que dans d'autres départements. Et là où on a déjà année après année des élèves des filières professionnelles qui peinent à trouver un stage, on se rend vite à l'évidence que les élèves de seconde générale et technologique vont aussi avoir du mal et que ce sera impossible pour certains d'entre eux.  Dans les LPO, les lycées polyvalents qui accueillent des filières professionnelles et des filières générales et technologiques, il y a en effet un carnet d'adresse des entreprises qui traditionnellement accèdent des élèves en stage, tous les établissements font ça. C'est sûr que dans un lycée général et technologique, ça n'avait pas forcément été mis en place puisque le besoin n'était pas là, et que donc forcément ça va beaucoup plus se reposer sur le réseau de la famille de l’élève.

Une mesure qui semble peiner à se mettre en place. Le recteur d'Académie Philippe Dulbecco a lancé un appel aux structures publiques et privées. Ainsi, les entreprises qui souhaitent offrir une place de stage à un lycéen peuvent se rendre à l’adresse: https://www.1jeune1solution.gouv.fr/ et y déposer une offre de stage. Et pour les élèves qui n’auraient définitivement rien, pas de panique. Il existe deux alternatives au stage de seconde. La première consiste à réaliser un séjour de cohésion ou une mission d'intérêt dans le cadre du Service national universel (SNU), durant la même période que le stage, c'est-à-dire du 17 au 28 juin. Il est également possible de réaliser une "mobilité européenne ou internationale" d'au moins deux semaines à la place du stage pour celles et ceux qui le peuvent.