Matoury : comment le virus est entré au village Cécilia ?

Village de Cécilia : le plus grand foyer épidémique de Guyane

L'arrêté du préfet daté du 9 avril indique que «10 cas positifs » au Covid-19 ont été confirmés dans ce village Arawak de « plus de 50 habitants » et que « le risque de propagation du coronavirus [...] est important ». L’ARS Guyane précise plutôt 13 cas dont un cas probablement guéri. Selon l'arrêté, « le risque de propagation du virus dans la population guyanaise est élevé du fait du non-respect des mesures de confinement par un grand nombre d'habitants de ce village ». Pour l'instant, l'état de santé de ces personnes ne nécessite pas de mesure d'hospitalisation.

Les habitants de Cécilia sont « mis en quarantaine pour 14 jours » note l'arrêté qui précise que nul habitant ne peut en sortir sauf sur avis médical, que l'entrée de personne extérieure au village y est interdite et qu'un ravitaillement y sera organisé. Une attention particulière sera portée aux personnes à risque.

Un premier cas importé de l’Hexagone 

Le premier cas positif est un homme détecté le 30 mars. « L’enquête épidémiologique permet de découvrir que sa conjointe est de retour de Métropole. Testée négative mais probablement guérie, toutefois elle présente un tableau clinique évocateur du Covid-19 », explique Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de Santé (ARS). Elle n'avait pas été testée car n'avait pas de symptômes graves apparants. 

Au cours du week-end des 4 et 5 avril, des membres de l’entourage des deux premiers présentent à leur tour des symptômes. « Ces enquêtes ont débouché sur une nouvelle série de détections de cas confirmés », poursuit Cyril Rousseau. A mesure que les proches déclarent des symptômes, ils sont testés et de nouveaux cas positifs se confirment pour arriver aujourd’hui à 12. Parmi eux, deux personnes âgées et aucun enfant. Les conditions de vie du village favorisent la transmission du virus conclut Cyril Rousseau. 

« Il est possible qu’ils aient été vecteurs asymptomatiques. Nous sommes face à une transmission familiale intense, favorisée par les conditions de vie et la promiscuité »

Protection et accompagnement des habitants du village

« Aujourd’hui, l’enjeu est la protection du village et l’accompagnement des habitants pour les aider à adopter les gestes barrières pour freiner la transmission et la diffusion au sein du groupe », explique Solène Wiedner-Papin, directrice de la santé publique à l’ARS Guyane.

« Il est important que l'isolement soit respecté afin de protéger ses proches et de limiter la propagation du virus. La proposition d'un hébergement alternatif à l'hôtel du Fleuve ou l'arrêté pris par le préfet sont des mesures qui permettent de faciliter cet isolement », poursuit Solène Wiedner-Papin.

« Nous essayons d’obtenir l’accord des habitants du village pour pouvoir être hébergés à l’hôtel du Fleuve à Sinnamary. Pour le moment, nous n’avons pas encore réussi à obtenir l’adhésion mais nous allons continuer ces efforts [...] On n'oblige pas. Je mise sur l'intelligence des gens. Cette pression sociale où il faudrait boucler des populations : ce n'est pas la société dans laquelle j'ai envie de vivre », déclare Clara de Bort, directrice générale de l’ARS.

Des médiateurs, sollicités par l’ARS, interviendront dans le village, en lien avec les chefs coutumiers, les associations et toutes les personnes ressources possibles, « pour expliquer la décision, accompagner la compréhension des mesures de protection et prévenir les stigmatisations », détaille-t-elle. Ces mesures d’information seront étendues au reste de la communauté, réparties dans plusieurs villages en Guyane.

Mercredi, des infirmiers ont réalisé des prélèvements à Cécilia (photo en Une : ARS Guyane). Une infirmière y passe désormais tous les jours pour vérifier l’état de symptômes des habitants et proposer un dépistage en cas de symptômes évocateurs. Une aide alimentaire sera organisée.

Au total, 84 personnes ont été déclarées positives en Guyane dont 49 patients guéris. 10 patients sont actuellement hospitalisés dont un en réanimation à l'hôpital de Cayenne.