La Jungle Pride : Kourou célèbre sa toute première Marche des fiertés

C’est une grande première pour Kourou : la ville organisera sa propre Marche des fiertés. L’événement, mené par l’association Kourou Queer, ambitionne de rendre visible la communauté LGBTQIA+ et de défendre ses droits dans un territoire encore traversé par des discriminations. Avec la Jungle Pride, les organisateurs souhaitent envoyer un message fort : celui d’une Guyane qui s’ouvre à toutes ses identités.
Le programme s’annonce festif et engagé : de 12h à 16h, le village des fiertés prendra place au Pôle culturel, avec des stands de sensibilisation, animations, et échanges citoyens. Le cortège rejoint ensuite la Pointe des Roches, accompagné d’un char et animé par un show de Drag queen, avant de conclure la journée en musique avec la scène des fiertés jusqu’à 23h. Pour Yoann Gosse, président de l’association organisatrice, c’est un moment d’expression important pour la communauté :
« C'est dans l’objectif de se montrer, même de façon joyeuse, c'est donner la possibilité à une personne qui n'a pas souvent l'occasion d’exprimer librement ce qu’elle est. »
© Le bureau de l'association Kourou Queer
« On n’est pas seul »
L’événement, selon ses organisateurs, vise à libérer la parole et permettre aux jeunes LGBTQIA+ de se sentir moins isolés. Yoann Gosse insiste sur l’importance de la représentation dans un territoire multiculturel comme la Guyane :
« Il y a des personnes LGBTQIA+ dans toutes les communautés. Ce sujet concerne tout le monde. (...) Le fait de militer, même symboliquement lors d’une marche, devrait réunir tout le monde pour une même cause, que l’on soit LGBTQIA+ ou pas. »
Entre 500 et 800 personnes sont attendues pour cette Jungle Pride, symbole fort d’un mouvement en quête de reconnaissance locale.
Une visibilité encore fragile dans les Outre-mer
Cette initiative guyanaise contraste avec la situation en Martinique, où la Marche des fiertés prévue le 21 juin à Fort-de-France a été annulée. Malgré tout, une trentaine de personnes se sont rassemblées pour un sitting symbolique sur la place de l’Enregistrement, à l’appel des associations Kozé et Kap Caraïbe. Elles dénoncent le non tenu de la marche des fiertés “par manque de validation de la mairie de Fort-de-France.” Pour Sterelle Félix-Théodose, co-fondatrice de Kozé, un lieu de fête privé ce n’est pas un lieu de revendication :
« L’année dernière, il y a eu quand même beaucoup d'événements. Mais là cette année, il n'y en a eu aucun même si on a eu des soirées privées comme l’on en a déjà toute l'année. Mais un lieu de fête ce n'est pas un lieu de revendication de nos droits »
© Mélissa Grutus - RCI Martinique
Parmi les manifestants martiniquais, Kayren, 24 ans, témoigne du poids du rejet et de l’importance de ces moments communautaires qui sont même vitaux pour elle :
« Je suis dans une famille religieuse homophobe, transphobe. C’est toujours compliqué de vivre mon identité queer. La communauté, ça sauve des vies. »
Même son de cloche chez Océane, 23 ans :
« Je suis souvent interpellé dans la rue en raison de mon genre. Alors c’est important que les enfants et les gens voient qui nous sommes. Qu’on existe et qu’on fait partie de la société. »
Une réalité encore marquée par les discriminations
Selon une enquête menée en 2022 par SOS Homophobie, les actes LGBTQIA+phobes sont proportionnellement plus élevés dans les Outre-mer que dans l’Hexagone. L’association indique que :
- En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, plus de 60 % des jeunes LGBTQIA+ affirment ne pas pouvoir parler librement de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre à leur entourage.
- L’enquête "LGBT+phobies" du Défenseur des droits en 2023 note que près de 1 personne LGBTQIA+ sur 2 en Outre-mer a déjà été victime de discrimination dans l’accès à l’emploi, au logement ou à la santé.
Ces chiffres traduisent ainsi un climat encore marqué par le rejet, le silence et l’invisibilisation, en particulier dans les zones rurales ou fortement marquées par les traditions religieuses.