Visite présidentielle : les engagements d'Emmanuel Macron pour la Guyane
Emmanuel Macron a tenu un discours illustré et de fermeté.
Il a rappelé que les élus étaient les interlocuteurs légitimes du dialogue et a appelé un changement radical de méthode, pour faire remonter les besoins locaux au niveau national. Le Président a par ailleurs fait un point sur l’avancement de la mise en oeuvre des Accords de Guyane et des avancées qu’il propose, en particulier dans les secteurs économique, de l’éducation, de la santé, de la sécurité et de l’immigration.
Le Président de la République a souligné le rôle essentiel des élus dans le processus de prise de décision.
« Le rôle de l’État n’est pas de tenir des engagement irréalistes et n’est en aucun cas de céder à des pressions quelles qu’elles soient, en particulier lorsqu’elles n’ont pas la légitimité démocratique, celle portée par les élus. »
Emmanuel Macron place ainsi les élus au cœur du « dialogue républicain » qu’il présente comme une méthode « innovante, participative et constructive ». A propos de la rencontre qu’il a déclinée avec le Collectif Pou Lagwiyann Dekolé, le chef de l’État indique qu’il a proposé au collectif d’être reçu par ses conseillers et tient un discours ferme à son égard. Il a expliqué que ce dernier ne bénéficiait pas de la légitimité conférée par une élection :
« Je ne peux pas donner la même reconnaissance à des gens qui sont très ambigus sur leurs modes d’action, qui ont mis en cause des élus de la République (…) Ce ne sont pas (seulement) des opposants de la société civile, ce sont des gens qui ont fait de la politique et que les électeurs n’ont pas reconnus comme légitimes. »
Le chef de l’État a appelé à rénover l’action publique
Il a annoncé un changement dans le recrutement et l’organisation des services publics. Les services de l’État seront ainsi davantage présents sur le territoire et une équipe spécialisée dans l’ingénierie publique, dirigée par le Préfet, sera mise à disposition des collectivités territoriales. Les Assises de l’Outre-Mer permettront de faire remonter au niveau national des propositions et des projets portés par les élus guyanais.
« Ces Assisses sont le contraire de ce que nous avons fait depuis des décennies. Ce n’est pas venir d’en-haut proposer des milliards qui ne seront jamais vus, c’est proposer une vision (...), une exigence, de demander des projets et des propositions et derrière de prendre des engagements concrets. »
Une feuille de route, élaborée dans chaque territoire, devra être remise à la Ministre de l’Outre-Mer au printemps prochain pour que le débat parlementaire puisse être alimenté par les propositions locales. Le Président a expliqué qu’il entendait prendre en compte les spécificités des territoires.
Les Accords de Guyane
Le Président a fait un bilan de l’état d’avancement des dispositions des Accords. Il a ainsi affirmé que les 30 mesures du plan d’urgence contenues dans le 1er volet sont engagées, dont 23 sont d’ores et déjà mises en œuvre. S’agissant des 164 mesures sectorielles précisées dans le 2ème volet, il indique que deux tiers d’entre elles ont été engagés. Les demandes complémentaires présentées par le collectif Pou Lawgiyann Dekolé dans le cadre du 3ème volet seront débattues lors des Assises de Guyane.
Développement économique
Emmanuel Macron a mis en avant l’importance de l’économie locale dans le développement. Concernant la filière bois, il a notamment promis une simplification des procédures administratives pour la construction de centrales de biomasse. A propos du secteur des hydrocarbures, il a confirmé la fin de la délivrance de nouveaux permis de prospection. Le permis Guyane maritime, accordé à l’entreprise Total dès 2011, n’est pas concerné par cette mesure. Il précise d’ailleurs que les forages vont pouvoir commencer dès l’automne prochain.
Le Président souhaite également encourager le secteur privé, très faiblement représenté dans le tissu économique guyanais. Il a confirmé que les ressources de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Guyane seraient maintenues, grâce au soutien du réseau national des CCI. Il a parallèlement annoncé que l’Autorité nationale de la concurrence évaluerait chacun des marchés et des secteurs, afin de dénoncer des monopoles qui contribueraient à la vie chère par des prix artificiellement élevés. Et le chef de l’État de prendre l’exemple du secteur de la construction :
« Ici, c’est 10 fois plus cher que dans l’Hexagone de faire un pont, parce que le béton est ici vendu 10 fois plus cher (…) simplement parce qu’il n’y un seul acteur du béton. »
Concernant le projet de la Montagne d’Or, le Président a affirmé que ce dernier devrait respecter les engagements de la Charte Mines durables et répondre à l’ensemble des sujets soulevés, en termes d’environnement, d’acceptabilité démocratique, d’impact économique, lors de la concertation qui sera organisée par la Commission nationale du débat public. De manière plus générale, il souhaite un plan pour les acteurs légaux de la filière aurifère afin de développer les activités responsables et créatrices d’emplois locaux. S’agissant de la biodiversité, des énergies renouvelables et de la recherche, le Président soutiendra la création d’un cluster autour de l’Université de Guyane, avec l’appui de l’Agence nationale pour la biodiversité, afin de développer la connaissance du terrain et favoriser les activités économiques dans ces domaines. Le secteur de la pêche, dont les aides seront évaluées dans le cadre des Assises, a fait l’objet d’un dialogue fructueux avec la Commission européenne, ce qui va faciliter la rénovation des navires et le travail des pêcheurs.
Education
Le Président de la République a rappelé que c’était une priorité de son action. Il a confirmé l’engagement de l’État de financer l’intégralité de l’établissement d’excellence qui sera construit à Maripasoula. Il a promis une dotation exceptionnelle supplémentaire à la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) de 250 millions d’euros sur 5 ans afin de construire 10 collèges et 5 lycées.
« Quand on parle de désenclavement des territoires, c’est par l’éducation qu’il se fera »
Concernant la construction et la réhabilitation écoles primaires, les communes bénéficieront d’une dotation supplémentaire de 150 millions d’euros sur 10 ans. Il a mis en avant l’importance de la modernisation de la gestion du personnel, avec un recrutement plus précoce des enseignants, une titularisation plus souple ou une valorisation des parcours et une embauche en Guyane. Il précise que les intervenants en langue maternelle dans les écoles ont été doublés à la dernière rentrée scolaire et que 41% des classes de CP et CE1 ont été dédoublées.
Santé
Emmanuel Macron a confirmé que les engagements ont été tenus. 25 millions d’euros ont été versés au Centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni en 2017 pour faire face à ses investissements. Il a rappelé que le Centre médico-chirurgical de Kourou a été transformé en hôpital public au début du mois d’octobre. Par ailleurs, 20 millions d’euros de trésorerie ont été versés au Centre hospitalier à vocation régionale (CHAR) de Cayenne. Un programme d’investissement de 40 millions d’euros à destination du CHAR a été confirmé. Emmanuel Macron souhaite en outre aller vers le soutien au développement de structures d’accueil de la petite enfance et faciliter l’installation et la mobilisé des personnels médicaux via des contrats spécifiques.
Infrastructures
Le Président a annoncé 300 millions d’euros pour le doublement du Pont Larivot et de la RN2. L’État multipliera de surcroit par deux ses engagements dans le cadre de la construction de logement sociaux. 40 millions d’euros seront affectés au haut-débit en Guyane, qu’il s’agisse de la fibre ou, pour les zones isolées, de la couverture satellitaire.
Foncier
Un plan sera établi avec les collectivités territoriales sous la forme d’un appel à candidature, lequel débouchera sur des Schémas territoires de dévolution du foncier. Ces documents permettront à l’État de céder des terres à des opérateurs en fonction des projets qu’ils soumettront à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, laquelle sera mise en place en Guyane en 2018.
Sécurité et immigration
La Président a acté que la situation de la Guyane n’était « pas soutenable », notamment par rapport aux États frontaliers qui n’ont pas les mêmes standards. Rappelant que « la première mission de l’État est de protéger », il a tenu un discours ferme vis-à-vis de toute manifestation de violence. Il a indiqué que l’État avait accéléré le calendrier prévu dans le cadre des Accord de Guyane. Il a précisé qu’un escadron de gendarmerie mobile supplémentaire (soit 7 au total) venait d’être déployé à Cayenne, que 50 gendarmes arriveraient en fin d’année 2017 et 90 autres début 2018. Il a ajouté que 84 policiers supplémentaires avaient été affectés depuis un an et demi en Guyane et que 22 arriveraient d’ici au mois de février prochain.
Il a promis une accélération de la justice en Guyane, la création d’un Tribunal de grande instance et la construction d’une cité judiciaire. Il a confirmé les engagements au sujet du nouveau centre pénitentiaire et a annoncé un calendrier pour le nouveau commissariat de Cayenne (sélection d’un cabinet d’architecte fon 2018, début des destructions sur le futur site début 2018).
Concernant la lutte contre les trafics, le Président a rappelé l’installation de l’échographe à l’aéroport Felix Éboué et demandé une remise à plat du système de lutte contre l’orpaillage clandestin, afin de faciliter les détections précoces, la discrétion, de garantir l’efficacité de la sanction matérielle et pénale et de lutter contre l’économie souterraine. Des moyens technologiques supplémentaires seront mis à disposition des équipes et l’opération HARPIE sera repensée grâce aux propositions des acteurs de terrain. Le Président entend également intensifier la coopération régionale avec les pays frontaliers, dont provient la plupart du matériel destinée à l’exploitation aurifère clandestine. Il exige un dialogue franc et réciproque.
Concernant l’immigration clandestine, le chef de l’État a souligné l’attractivité du territoire par rapports à ses voisins. Se posant en garant du droit d’asile, il exige de la rigueur et une accélération des procédures afin de gagner en crédibilité. Les efforts seront intensifiés pour qu’une demande d’asile soit examinée dans son intégralité en deux mois. Il ajoute qu’au-delà de ce délai, les demandeurs d’asile ne bénéficieront plus de l’allocation mensuelle (ADA).
« Pour préserver et garantir le droit d’asile, qui est un droit essentiel que je défendrai toujours (…) sur l’intégralité du sol de la république, il faut mettre en place ici en Guyane des procédures accélérées d’examen de cette demande d’asile injustifiée. On ne peut pas avoir une situation où on verse 12, 18 parfois 24 mois l’ADA qui est supérieure au salaire moyen dans l’ensemble des pays voisins ».
Dans le même sens, Emmanuel Macron souhaite réformer le Revenu de solidarité active (RSA) en le conditionnant à une résidence régulière de 15 ans en France (contre 5 ans actuellement). Il ajoute que le RSA ne sera plus délivré sous forme financière pour éviter, selon ses dires, que les ressortissants des pays étrangers ne le dépensent dans leur pays d’origine. A ce sujet, l’État reprendra la gestion du RSA, le chef de l’Etat rappelant que « c’est une charge qui n’est pas soutenable pour la CTG, c’est une mission régalienne »
Il affirme que les règles d’expulsion et de destructions des logements seront revues pour lutter contre la « situation inacceptable » que constitue la construction illégale. Il souhaite également engager une réflexion sur le statut international des établissements hospitaliers frontaliers et se pose en garant du maintien de l’aide médicale d’État. Enfin, le Président souhaite lutter contre la reconnaissance de paternité de complaisance et renforcer l’efficacité des expulsions hors du territoire, en particulier pour les étrangers représentant un trouble pour l’ordre public ou libérés de détention.