Réactions des députés ultramarins au discours de politique générale du Premier ministre François Bayrou
Le Premier ministre a annoncé ses priorités pour les Outre-mer, notamment le plan « Mayotte Debout », la relance en Nouvelle-Calédonie, et la réactivation d’un Comité interministériel des Outre-mer (CIOM). Cependant, ces annonces ont été accueillies avec scepticisme, voire hostilité, par les députés ultramarins.
Défendant le plan « Mayotte Debout », « un plan ambitieux, non seulement pour traiter de l'urgence, mais aussi pour refonder » pour François Bayrou. Il estime, sur la crise migratoire, que « le débat doit être ouvert sur ce sujet, notamment sur les conditions nouvelles d'exercice du droit du sol ».
« La Nouvelle-Calédonie doit construire son avenir. Les événements de mai 2024 ont plongé ce territoire dans un profond marasme » a poursuivi le Premier ministre qui « souhaite que le processus politique reprenne, avec des négociations qui devront aboutir à la fin de ce trimestre ». « J'inviterai en janvier les forces politiques à venir à Paris pour ouvrir ces négociations en demandant au ministre des Outre-mer de suivre particulièrement ce dossier », a ajouté François Bayrou.
Enfin le chef du Gouvernement, sans surprise, a annoncé le retour du CIOM, le Comité interministériel Outre-mer :
« Je pense à tous nos Outre-mer, eux qui sont cette fenêtre ouverte sur le monde que nous vantons souvent et nous enrichissent par leur identité propre. Chacun de ces territoires à sa situation, ses chances et ses difficultés. Nous définirons pour chacun un plan de développement et de financement dans le cadre d'un nouveau comité interministériel des Outre-mer que le ministre d'État préparera avec les élus de ces territoires ».
Des annonces jugées insuffisantes
Ce discours de politique générale, loin de rassembler les parlementaires ultramarins, semble avoir creusé un fossé entre le gouvernement et les élus ultramarins. Le discours du Premier ministre, jugées insuffisantes et vagues, laisse les députés des Outre-mer en attente d’actes concrets pour répondre aux enjeux spécifiques de leurs territoires.
© Jean-Victor Castor, député de Guyane
S’il a mis en avant l’importance d’un débat sur le droit du sol à Mayotte et un plan pour refonder ce territoire, les députés ultramarins ont largement critiqué l’absence de mesures concrètes, chiffrées ou adaptées à leurs réalités locales. Un discours particulièrement critiqué par le député de la Guyane, Jean-Victor Castor :
« Le discours du Premier ministre était pathétique, pas seulement pour les Outre-mer, mais en général. Sur Mayotte, il n’y a aucun chiffre, rien qui permette de parler d’un véritable plan. Comment peut-on déterminer des solutions sans diagnostic clair ? »
Concernant la Guyane, Jean-Victor Castor dénonce l’ignorance totale des revendications statutaires :
« Nous avons, à l’unanimité, voté à deux reprises au Congrès des élus pour un statut d’autonomie très large. Pourtant, le Premier ministre préfère parler de la Corse quand il évoque nos singularités. C’est un mélange des genres inacceptable, un mythe qui trahit une absence de sérieux vis-à-vis de notre peuple. »
Il déplore également l’absence d’arbitrages budgétaires précis. « Rien n’a été annoncé. On attendait un discours de fond, avec des décisions budgétaires claires. Quels ministères seront impactés ? Où iront les économies ? », s’interroge le parlementaire Guyanais.
Les députés de Guadeloupe, Christian Baptiste et Max Mathiasin se sont montrés peu convaincus. Christian Baptiste, député socialiste, a qualifié le discours d’inutile. « Il n’y a rien de consistant, rien de concret. Honnêtement, on ne s’attendait pas à mieux. ». Max Mathiasin, député Liot, partage ce sentiment. « C’était un catalogue de poncifs. Ce que je veux, ce sont des actes. Rien n’a été dit sur nos territoires, pas un mot pour la Guadeloupe. »
© Jiovanny William, député de Martinique
Jiovanny William, le député socialiste se dit dans l’attente. Pour le député martiniquais, le discours était une déception :
« Nous attendions des éléments spécifiques pour nos territoires, mais il n’y a eu aucune mention sur la vie chère. On espérait un mot sur la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane. Ce que j’attends, ce sont des actes concrets pour répondre aux besoins réels de nos populations. »
© Anchya Bamana, député de Mayotte
Anchya Bamana, la député de Mayotte souligne un décalage avec la réalité dans l’archipel dévasté par le Cyclone Chido. La députée mahoraise (RN) a exprimé sa frustration face au fossé entre le discours à Paris et la situation sur le terrain. Elle souligne des urgences non prises en compte :
« Il y a un monde entre ce que vivent les Mahorais après deux cyclones et ce que l’État remonte à Paris. L’accès à l’eau, au logement, à la nourriture… Ce sont des besoins de base, et je n’ai pas l’impression que le gouvernement mesure l’ampleur de la tâche. »
Face à ces critiques, le groupe LFI a déposé une motion de censure pour dénoncer l’absence de vote de confiance par François Bayrou : « Le refus du Premier ministre de solliciter un vote de confiance est un aveu. La motion de censure sera l’occasion d’un vote de défiance. »