La première ministre Elisabeth Borne en plein cœur de la forêt guyanaise sur le front de la lutte contre l'orpaillage illégal
« Est-ce que des orpailleurs essaient de passer quand même ? », demande la Première ministre qui vient d'arriver, après une heure de navigation, au point de contrôle fluvial du Petit Inini, un affluent du fleuve Maroni sur la commune de Maripasoula, en pleine forêt amazonienne. « Non, ils savent que c'est bloqué », répond un militaire.
Elisabeth Borne découvre le camp que l'armée a installé au bord de la rivière. Les militaires dorment dans des hamacs et le pain est fait maison dans un four ad hoc. Ils se ravitaillent parfois en eau dans des criques avec des pastilles de chlore. Des panneaux solaires doivent bientôt arriver pour faciliter la connexion radio, celle pour l'internet étant quasi inexistante.
Il y a six postes de contrôle fluvial en Guyane, qui peuvent être déplacés au gré des activités des orpailleurs clandestins. La petite trentaine de militaires et les gendarmes qui occupent ce camp y restent environ 4 mois. « On bloque l'accès des orpailleurs sinon, c'est une autoroute. Le but n'est pas de se cacher mais de désorganiser leur logistique. Ils sont ainsi obligés de faire des contours à pied », explique le lieutenant Niels Lestra.
Survie politique
En 2023, gendarmes et militaires ont été engagés dans près de 950 missions de lutte contre cette activité illégale, ce qui a permis la saisie de matériel pour 64,1 millions d'euros, contre 35,7 millions en 2022.
Quelque 7 454 orpailleurs illégaux ou « garimpeiros » ont été identifiés. Ils étaient 10 202 en 2017. Et, en 2022, les garimpeiros avaient extrait 7,2 tonnes d'or, en baisse de 31% par rapport à 2021, selon les derniers chiffres présentés dimanche au 9e RIMa.
La Première ministre salue une militaire chargée de dispenser des soins. « Le problème, c'est que les orpailleurs ramènent leurs blessés chez nous ». La nature est hostile et « parfois on se perd en prenant le mauvais sentier », explique de son côté le général à la tête de la gendarmerie de Guyane, Jean-Christophe Sinthive.
La cheffe de gouvernement connaît surtout la survie en politique. Elle est restée à Matignon malgré deux lois adoptées dans la douleur : une réforme des retraites contestée dans la rue par des centaines de milliers de manifestants, et une loi sur l'immigration qui a fracturé sa majorité. Mais le « nouveau cap » promis par Emmanuel Macron et l'absence de Conseil des ministres mercredi ont de nouveau alimenté les spéculations autour d'un possible remaniement du gouvernement, voire d'un nouveau titulaire à Matignon.
"Garder le lien"
Encore plus loin dans la jungle, l'ancien site d'orpaillage de Dorlin n'est joignable qu'en hélicoptère. Là, « il s'agit d'aller au plus près des orpailleurs qui vivent en forêt. On essaie de les surprendre, car ils sont très résilients », explique un militaire. Ce qui nécessite parfois de vivre dans la jungle en autonomie complète jusqu'à six jours. « Si on lâche ici, ils reviennent dans l'après-midi », prévient le général Sinthive.
C'est à Dorlin que les forces armées de Guyane ont perdu deux des leurs en 2023. Elisabeth Borne leur a rendu hommage ainsi qu'à tous les soldats tués en mission dans le département, au pied d'une petite stèle installée à flanc de forêt.
L'autre mission des gendarmes est de « garder le lien » avec les populations amérindiennes victimes de l'orpaillage, comme à Taluen, où le chef coutumier Aïma raconte que les habitants ne peuvent plus laver leur linge dans le fleuve, pollué par le mercure utilisé par les chercheurs d'or.
Elisabeth Borne tient à les « assurer » que le combat continue : « c'est un enjeu de souveraineté de notre territoire et un enjeu de santé » des populations.