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Paris : un SDF originaire de Guyane obtient 40 000 euros dans un procès contre Paris-Match

Après avoir découvert son visage dans un article consacré à l’addiction au crack, un sans-abri parisien de 48 ans a attaqué le magazine Paris-Match en justice. Un procès que le SDF a remporté.

  • Par: abehary
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Pendant près de trois ans, il s’est battu pour demander réparation. En janvier 2018, alors qu’il vit dans la rue, à Paris, un sans-abri, originaire de Guyane, apprend par l’intermédiaire de compagnon de la rue que le magazine Paris-Match affiche sa photo, en plein milieu d’un article sur l’addiction à la drogue dure. 

Un dossier de cinq pages, dans l’hebdomadaire, se penche sur les ravages de la consommation de crack dans les rues de la capitale, notamment dans les rangs des sans domicile fixe. Bonnet bleu vissé sur la tête, une pipe à crack dans les mains, entouré de trois autres camarades de galère, et de son chien, c’est bien lui, en pleine page du magazine. La photo a été volée dans la station Marx-Dormoy, dans le 18e arrondissement de Paris.

Les policiers floutés, pas les SDF

Immédiatement, via des amis engagés dans des associations, l’homme se rapproche d’un cabinet d’avocats pour plaider sa cause. Il veut absolument que cette photo soit retirée. Trop tard pour le magazine dans sa forme papier, pas pour le site web du journal. Même s’il reconnaît son addiction au crack, il ne veut pas que son image, dans ces conditions, soit affichée partout. Pire : qu’elle parvienne jusqu’à sa famille, en Guyane.

Et puis le sans-abri estime qu’il a droit au même traitement que tous les citoyens et autres stars. D’autant plus que dans le même dossier photographique, le magazine a flouté plusieurs individus, notamment des policiers procédant à des contrôles. Sa vie privée atteinte, le sans-abri veut entraîner Paris-Match en justice, à l’instar des célébrités, dont le quotidien est capturé par les paparazzis.

Une somme due qui atteint 128 000 euros

En mai 2019, le SDF l’emporte face au magazine, propriété du groupe Lagardère Media News, et obtient 10 000 euros en réparation du préjudice subi. Les juges ordonnent également à « Match » de retirer l’image en question de son site internet et de l’application pour smartphone. Et pour accélérer l’application de la décision, le tribunal astreint une amende de 2 000 euros par jour de retard à l’hebdomadaire. Malgré cela, plusieurs semaines après le délibéré, la photo du SDF est toujours visible sur l’appli mobile. 

« Théoriquement, le SDF pourrait prétendre à la somme de 128 000 euros », explique le journal Le Parisien, qui a ressorti cette affaire, ce week-end. Au final, l’homme obtiendra 30 000 euros en plus, en décembre 2020, de la part du magazine. « Chacun dispose, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, du droit au respect de sa vie privée et jouit sur son image d’un droit exclusif lui permettant de s’opposer à sa fixation sans autorisation préalable », a rappelé la première chambre civile du tribunal de Nanterre, en décembre dernier. Dans son jugement, les magistrats tapent sur les doigts de « Match ». Le traitement doit être le même pour tous : des SDF aux plus hautes personnalités de ce monde.

Pour finir, des démêlés avec les banques

À cela, le tribunal a ajouté que, selon lui, Paris-Match dévoilait des informations sur son état de santé physique et psychique, en exposant son addiction pour la drogue dure, reconnue pathologique. Des éléments, eux aussi, du ressort de la vie privée. « Une décision exemplaire qui défend avec force le droit à l’image et à la vie privée de tous, y compris de ceux qui vivent dans la misère », se réjouit Martin Vettes, l’un des avocats du sans-abri.

Epilogue d’une vie chaotique pour l’homme aujourd’hui âgé de 48 ans, des galères, à nouveau, mais cette fois avec les banques. Avec tout cet argent, le plafond de versement a été dépassé, et les banques voyaient dans cette somme importante pour un SDF du blanchiment. Finalement, après avoir insisté, il est parvenu à récupérer son magot. Il espère désormais « pouvoir récupérer sa femme et ses enfants ».