Justice : les renforts annoncés par le Garde des sceaux sont sur le point d’arriver
Pour rappel, faute de « moyens humains et matériels », les chefs de juridiction avaient annoncé des actions de justice morte. Un mouvement fort à l’époque puisque d’une part, il est rare que la protestation vienne des chefs de juridiction et d’autre part l’annonce a été faite quelques jours avant l’arrivée du garde des Sceaux en Guyane.
Ainsi quatre mois après la venue d’Eric Dupont-Moretti, des renforts vont arriver, aujourd’hui et demain : sept magistrats, quatre pour le siège (donc quatre juges) et trois pour le parquet, pour une durée de six mois. Sept greffiers (cinq à Cayenne et deux à Saint-Laurent) sont également attendus pour la deuxième moitié du mois de février.
Eric Dupont Moretti, ministre de la Justice en déplacement en Guyane en octobre 2022 - Visite du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly. (photo : A.BeharyLS - Radio péyi)
Des magistrats d’expérience et qui ont déjà exercé en Outre-mer
Les profils des candidats retenus lors du recrutement sont des magistrats qui ont une expérience importante. « Nous n'en sommes pas à notre poste. Nous avons déjà une expérience du terrain sur plusieurs juridictions. Nous avons tous eu un ou plusieurs changements dans nos carrières et un certain nombre de nos collègues ont déjà eu une expérience de l’Outre-mer », précise Florence Lardet, magistrate, elle fait partie de ces brigadiers qui ont répondu volontairement à l’appel lancé par le ministère de la Justice. Elle fera partie du deuxième convoi et rejoindra dès la semaine prochaine l’équipe du parquet de Cayenne. Florence Lardet, nous explique ce qui l’a motivé à rejoindre dès la semaine le parquet de Cayenne :
« Être au parquet c’est toujours chercher à décliner une politique pénale qui va être adaptée au territoire pour répondre au mieux au phénomène de délinquance. Cela fait partie d’un ADN de procureur. Quand je suis sortie de l’école de la magistrature, à l’époque, j’avais noté dans ma liste Cayenne. Le type de délinquance m’intéresse. Et j’ai rejoint la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée au tribunal de paris en 2019 et sous cet angle le territoire guyanais est passionnant dans ce domaine surtout quand il s’agit de trafic de stupéfiants dans ce contexte sud-américain »
Des renforts provisoires dans l’attente d’un effectif stable
Mahrez Abassi, le président du Tribunal judiciaire, salue d’ores et déjà « des gestes forts envoyés par le ministère de la justice ». Depuis la grogne l'intégralité des services a repris mais si ce n’est pas simple car une reprise de tous les services nécessite une mobilisation sans faille de tous avec des moyens :
« Nous avons dû reprendre à effectifs constants mais nous nous étions engagés, le Procureur de la République et moi à reprendre l'activité. La bateau judiciaire guyanais est un bateau qui tangue beaucoup, nous sommes tout le temps aux aguets. Nous sommes ravis des aides. C'est un combat de tous les jours ! Les personnes qui arrivent, il ne suffit pas de les avoir six mois, encore faut-il des magistrats qui arrivent à long terme »
Enfin, pour le président du tribunal judiciaire, il s’agit donc de fiabiliser ceux qui viennent en les accueillant de la meilleure des manières et en leur permettant de les aider de façon idoine.
Mahrez Abassi, le président du tribunal judiciaire de Cayenne (photo : Radio Peyi)
La tâche est lourde : 6 000 dossiers en attentes
Ces brigadiers seront donc présents de façon provisoire, en attendant la création de postes fixes prévus pour le mois de septembre. D’ici là, le retard à rattraper est considérable : plus de 6 000 décisions sont en attente d’exécution. Ce dispositif d’urgence est unique en son genre de la part du ministère de la justice, souligne Yves Le Clair, le procureur de la République :
« Arriver à mobiliser du personnel dans les délais qui sont tenus à l'heure actuelle est même une gageure. C'est la première fois que cela a lieu au Ministère de la Justice. On crée quelque chose qui n'a jamais existé dans la fonction publique.»
Une réactivité pour une situation « exceptionnelle » selon les magistrats.
Il est difficile de déplacer un magistrat comme on le souhaite. Les magistrats ont l'indépendance de la justice, changer le poste d'un magistrat n'est pas simple. La magistrate Florence Lardet reconnaît la rapidité de la mise en place de ce dispositif :
« Il y a une volonté du Garde des Sceaux de répondre à un besoin de certaines juridictions d'Outre-mer confrontés à des situations qualifiées d'exceptionnelles.
En effet, entre la volonté politique d'initier le dispositif et sa mise en œuvre effective, quelques mois se sont déroulés avec la visite du Ministre fin septembre, l'appel à candidatures en novembre avec des postes diffusés sur des fonctions de juge d'instructions, de juge de contentieux de la protection, des juges de la liberté de la détention.
Au parquet, il y avait des postes de procureurs adjoints, de vice-procureur ou substitut. «L’arrivée des brigadiers va nous permettre de moins travailler dans l’urgence» précise le procureur. Ces renforts « vont faire baisser la tension sur une machine où lorsqu'il vous manque un tiers des effectifs, les deux tiers présents ont une activité d'autant plus importantes. Ils viennent aider, ils savent ce qu'est une juridiction sous tension.»