Orpaillage illégal en Guyane : « un dossier majeur » pour le ministre Sébastien Lecornu
Après une introduction de Lénaïck Adam (LREM, Guyane), président de la Commission d’enquête, Sébastien Lecornu a reconnu que la lutte contre l’orpaillage illégal représentait « un dossier majeur ». Il a également rappelé qu’une séquence diplomatique importante a lieu cette semaine avec des rencontres avec les ministres de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères du Suriname, pays frontalier de la Guyane.
« L’adversaire est redoutablement professionnel », a déclaré d’emblée le ministre. « Les garimpeiros ont une organisation robuste qui s’appuie malheureusement sur un modèle économique bien huilé où les gains sont beaucoup plus importants que les pertes. » Avec une superficie aussi grande que le Portugal, l’activité de l’orpaillage illégal en Guyane est diffuse, actuellement répartie sur 300 à 400 sites alluvionnaires et environ 150 sites primaires, a-t-il estimé, ce qui rend la lutte difficile concernant les capacités de renseignement, à projeter ou à héliporter des forces. « Les orpailleurs illégaux bénéficient aussi de complicités et de bases logistiques arrières, que ce soit au Brésil ou au Suriname, ce qui permet l’approvisionnement en matériel, comme les groupes électrogènes ou le mercure ». Sébastien Lecornu a reconnu également « des complicités internes à la République », avec des populations locales qui peuvent rendre certains services, de logistique ou de guetteurs le long du fleuve.
Un adversaire professionnel et dangereux
L’adversaire est professionnel mais aussi dangereux, a averti le ministre. « Il n’y a pas de points de comparaison dans la République. On est pas sur de la délinquance conventionnelle, du maintien de l’ordre ou du terrorisme. Cela est dû à la topographie et à la géographie, ainsi qu’à la violence comme règle opérationnelle des garimpeiros. » Sébastien Lecornu a ainsi rappelé que neuf militaires étaient morts en opération, avant de les citer un par un pour honorer leur mémoire. La dangerosité vient également de la cohabitation avec le grand banditisme que l’on peut renvoyer à d’autres trafics, comme les armes et l’immigration clandestine. Par ailleurs l’adversaire est « particulièrement adaptable et souple », au terrain, avec orpaillage sous couvert forestier par exemple, et aux réponses des forces de l’ordre.
« Nous aussi avons dû nous adapter », a précisé le ministre des Outre-mer. « On est passé d’une logique de force de sécurité intérieure classique à une manœuvre régalienne beaucoup plus large à laquelle on a associé les forces armées avec l’opération Harpie. Cela a permis une stabilisation des activités. » Sébastien Lecornu a insisté sur la dimension interministérielle et de coopération dans la lutte contre l’orpaillage illégal, en associant le Parc amazonien de Guyane, l’Agence française de la biodiversité et ses agents assermentés, le pôle judiciaire du parquet de Cayenne et des autorités judiciaires à l’échelle nationale, les états-majors auprès du préfet, la gendarmerie mobile, etc. En outre les sanctions pénales ont été aggravées, a souligné le ministre, avec des peines pouvant aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende pour les délits d’orpaillage illégal les plus graves.
Structurer la filière légale
Des avancements « spectaculaires » ont eu lieu sur le volet diplomatique, s’est félicité Sébastien Lecornu, en particulier avec le Suriname. Il existe déjà une coopération policière qui permet de faire des échanges de renseignements et des actions communes de contrôle aux frontières. « Cette semaine nous avons amélioré les choses dans le domaine de la police judiciaire, ce qui permet d’avoir des coordinations entre les parquets des deux pays pour poursuivre un certain nombre de personnes. » Il y a aussi un texte sur la délimitation de la frontière et un autre sur la gestion du fleuve Maroni (création de patrouilles militaires communes par exemple) qui complètent l’action des pouvoirs publics. Ce type de patrouilles dites synchrones est déjà en activité en lien avec le Brésil, a tenu à souligner le ministre.
Sur le plan économique, Sébastien Lecornu a déclaré que selon lui, « plus on structure la filière légale, mieux on lutte contre l’orpaillage illégal. Plus on structure une filière légale à taille humaine, avec de petites exploitations, en clair le contraire des méga mines type Montagne d’Or, avec un réseau local de Guyanaises et de Guyanais qui connaissent ce métier, plus on peut lutter contre l’orpaillage illégal ». Et de mentionner ces chiffres : « Pour une tonne d’or extraite légalement, vous avez dix tonnes d’or extraites illégalement », a-t-il affirmé. « Il y a donc un chemin pour une filière légale à développer en Guyane et c’est un débat que nous devons poser au calme car le débat de Montage d’Or est venu cisailler celui sur les petites mines en Guyane. Ces acteurs légaux du monde aurifère on en parle pas mais c’est un point important contre l’orpaillage illégal », a conclu le ministre.