Violences anti-LGBT+ : des chiffres alarmants en Outre-mer

En 2024, 120 infractions à caractère anti-LGBT+ ont été enregistrées dans les Outre-mer. Un chiffre qui, ramené à la population, révèle une situation préoccupante. La Guadeloupe arrive en tête avec 8,9 faits pour 100 000 habitants, suivie par la Guyane (7,5) et la Martinique (5,9).
Selon le dernier rapport parlementaire sur le sujet, 69,4 % des hommes et 59 % des femmes vivant aux Antilles et en Guyane ont une opinion négative de l’homosexualité en 2018. Ce rejet sociétal se traduit par une précarisation psychologique et sociale accrue des personnes concernées. « Le recours au dépôt de plainte reste encore très limité », alerte le SSMSI.
Une homophobie multiple : sociale, institutionnelle, familiale
Les personnes LGBTQ+ dans les Outre-mer font face à une combinaison de discriminations : pression sociale, violences intrafamiliales, discriminations institutionnelles et accès restreint aux soins.
Des témoignages recueillis font état de violences dites "correctrices", d’expulsions du domicile familial, de rejet scolaire ou encore de migration forcée vers des territoires jugés plus sûrs. Alfata Atama, sécrétaire de l’association guyanaise Yana Colorz rappelle les difficultés rencontrées dans la communauté :
« Je suis également professeure et je vois des élèves harcelés, insultés, et qui n’osent pas venir à nos événements par peur d’être vus ».
Mobilisations locales : un besoin de soutien, de visibilité et d’entraide
Face à cette réalité, des initiatives locales émergent. En 2024, la Fondation Le Refuge a ouvert un accueil de jour à Cayenne pour soutenir les jeunes LGBT+.
« Il est essentiel de mettre en lumière les réalités vécues par les jeunes LGBT+ ultramarins et de développer des dispositifs adaptés », souligne Benoît Cascade, directeur du développement de la Fondation.
À Saint-Laurent du Maroni, l’association Yana Colorz a organisé le premier Festival Queer de Guyane ce 17 mai. Débats, spectacles drag, projections : un événement festif et militant destiné à briser les tabous. « On veut créer un réseau d’entraide qui n’existe pas encore ici », explique Christian, président de l’association.
Une justice encore trop laxiste selon les associations
Malgré les agressions souvent caractérisées, la justice tarde à reconnaître la circonstance aggravante d’homophobie comme c’était le cas dans l’affaire Brice Armien-Boudré en Martinique en 2020 : un œil perdu, pas de reconnaissance de l’homophobie
Le 24 mars 2025, Lonny Féréol, complice d’un vol à main armée ayant coûté un œil à Brice Armien-Boudré, militant LGBT, a été condamné à 13 ans de prison. Pourtant, la circonstance aggravante d’homophobie n’a pas été retenue, malgré des insultes explicites :
« Sale pédé, je vais te buter ! »
« Si j’avais su qu’il était gay, je ne serais jamais devenu ami avec lui », a même déclaré Féréol lors de son procès. Une décision que l’association Kap Caraïbe qualifie de déni de justice.
En 2021 en Guyane, Léon Maisome, ancien professeur, a subi une série de harcèlements et de menaces par un adolescent de 15 ans. Entre février et avril 2021, l’adolescent a tenté de l’agresser à plusieurs reprises, armé d’un sabre ou d’un couteau. Soutenu par les associations Mousse, Stop Homophobie et Adheos, Léon a dû fuir en métropole pour sa sécurité.
« Le traumatisme est d’autant plus violent que le contexte social est homophobe », dénoncait Me Etienne Deshoulières, avocat de la victime à nos confrères de RCI Martinique.
En 2019, un homme a infligé 33 coups de couteau à sa victime en raison de son orientation sexuelle. Le verdict : 7 ans de prison. Le procès s’est tenu en correctionnelle, sans retenir la nature homophobe de l’attaque.
Les violences anti-LGBT+ en Outre-mer ne sont donc pas des faits isolés. Elles sont systémiques, banalisées et souvent ignorées par les institutions, selon les associations. Elles appellent à un soutien plus fort, une visibilité accrue et une réforme profonde de l’approche judiciaire sur les violences à caractère homophobe. « Il faut accepter que les gens ne soient pas tous les mêmes. Et c’est OK en fait », conclut Alfata Atama.