L'hôpital de Cayenne s'est équipé d'un lactarium
Un espace aseptisé permettant de conserver le lait maternel et de préparer les biberons dans les conditions sanitaires adaptées aux bébés prématurés.
Lorsqu'ils naissent âgés de 25 à 32 semaines, ces nouveau-nés ne possèdent pas encore de défenses immunitaires. Ils doivent donc être nourris avec du lait pasteurisé, dans des doses très précises, et dans des biberons à l'hygiène irréprochable.
Le lactarium du CHAR a été ouvert en octobre dernier. C'est le premier de Guyane et le seul de tous les hôpitaux d'Outre-mer. On y prépare tous les jours entre 200 et 250 biberons ou seringues pour les bébés qui ne peuvent pas encore téter. Autre avantage du lactarium : il permet une traçabilité informatique du lait et des prescriptions pour chaque enfant. Le processus, du tirage du lait de la mère jusqu'à ce qu'il arrive à son bébé comprend plusieurs étapes.
Les frigos avec les seringues et biberons prêts. Il y a une ouverture de l'autre côté du mur pour les sortir, ce qui permet d'éviter les contaminations extérieures. (Photo : M.Romagnan)
« Dès qu’un bébé prématuré est hospitalisé, on essaie de privilégié le lait des mamans qui ont accouché avant 32 semaines. On récupère le lait des mamans directement parce qu’un lait dans un frigo ne se conserve que 48h. Les bébés avant 32 semaines sont rarement alimentés directement alors on récupère le lait de la mère puis on le congèle. Après, on réalise le dossier de la donneuse, il y a des entretiens sur l’allaitement au lactarium puis on fait un test de sérologie de la maman. Ensuite, on fait valider le dossier médicalement par action informatique. Une fois que le lait est validé, on peut le pasteuriser pour éliminer le maximum de bactéries. Une fois que le lait est conforme, nous le donnons à la biberonnerie pour le bébé », explique Luce Grelet, infirmière référent du lactarium et de la biberonnerie.
Kinsy et son bébé Eli, née à 28 semaines. Elle fait partie des 12 mamans à tirer son lait pour qu'il soit pasteurisé au lactarium, et donné à son bébé. (Photo : M.Romagnan)
Actuellement, 12 mamans peuvent donner leur lait à leur bébé grâce au lactarium. C'est le cas de Kinsy, maman de Ely, une petite fille née à 28 semaines, avec 3 mois d'avance sur le terme. « Ely a été alimentée par sonde avec mon lait que je tirais et que je donnais au lactarium. Je trouve ça bien puisque je ne peux pas être tout le temps présente et donc même quand je ne suis pas là, elle est alimentée par mon lait. C’est rassurant », affirme Kinsy, maman d’une prématurée.
Dans les cas où la mère ne peut pas tirer son lait pour le donner à son bébé, il faut faire venir du lait en poudre de métropole, issu de la banque nationale du lait. Il est ensuite reconstitué dans la biberonnerie dans les mêmes conditions d'hygiène que le lait pasteurisé issu directement des mamans. Ce lactarium est un vrai plus car le taux de prématurés en Guyane est deux fois plus élevés que dans l'hexagone. « L’avantage maintenant c’est qu’on peut donner le lait de la maman avant 32 semaine. Le lait de sa propre maman est adapté au bébé prématuré. Ca coûtait cher de faire venir du lait de métropole », précise Luce Grelet.
Actuellement, 12 mamans peuvent donnent leur lait à leur bébé grâce au lactarium. L'an dernier, au CHAR, 611 bébés sont nés prématurés. Le docteur Anne Favre, cheffe du service « médecine et réanimation néonatale » au CHAR, espère pouvoir développer à terme le tirage de lait à domicile, pour les mères qui ne sont pas à Cayenne. « Toutes les mamans, ne sont pas à proximité de l’hôpital. Il y a beaucoup de mamans qui sont obligées de repartir dans leur commune d’origine et qui ne sont plus là pour donner leur lait. Donc on peut imaginer qu’il y ait des points relais et des retours par l’intermédiaire des centres de santé. A partir du moment où l’on garantit la chaîne du froid, la conservation du lait et que les tests sont faits, l’acheminement du lait est tout à fait envisageable », affirme Anne Favre.
Le docteur Favre veut aussi lancer cette année un projet de récupération de colostrum, dès la naissance, une substance très riche au niveau nutritif pour les prématurés.