Alerte sanitaire : du plomb détecté dans le manioc consommé en Guyane

Du plomb dans le manioc, denrée de base dans l’alimentation des populations amérindiennes de Guyane, c'est ce que révèle l'étude de l'IRD. « Ce plomb provient directement du sol, et non des processus de transformation artisanaux du manioc », indique l’ARS. Sa consommation sous certaines formes représente un risque sanitaire avéré, en particulier pour les enfants.
© IRD
Dès 2021, une étude scientifique avait établi un lien entre des taux élevés de plomb dans le sang d’enfants amérindiens et leur consommation régulière de plats à base de manioc. Les chercheurs avaient identifié la présence d’isotopes de plomb similaires dans les sols, les tubercules, mais aussi dans la vaisselle, les boissons et même le gibier. Ces premiers résultats ont motivé l’étude Ploc, financée à hauteur de 250 000 euros par l’ARS, pour identifier avec précision l’origine de cette contamination.
Transformation artisanale : aucune contamination supplémentaire
Entre avril et août 2022, des chercheurs du laboratoire GET (Toulouse) et de Leeisa (Cayenne) ont mené des prélèvements à Trois-Sauts et à Saint-Georges de l’Oyapock. Ils ont analysé des échantillons de manioc brut ainsi que ses formes transformées : couac, kassav, tapioca, cachiri, tucupi… Ce qui est plus rassurant c’est que la transformation du manioc n’aggrave pas la concentration en plomb. Les équipements de fabrication ne sont donc pas en cause. Le tapioca, issu de l’amidon, est même l’un des produits les moins contaminés.
Des sols naturellement plombés, mais des transferts variables vers le manioc
Les analyses de sols montrent que la vallée de l’Oyapock ne présente pas des concentrations de plomb supérieures à celles d’autres régions du monde. Toutefois, une différence est observée : le sol de Saint-Georges est plus riche en plomb que celui de Trois-Sauts… mais paradoxalement, c’est à Trois-Sauts que les tubercules contiennent le plus de plomb, précise l’étude. Ce phénomène est attribué à des mécanismes physico-chimiques encore mal compris, et qui nécessitent des recherches complémentaires.
Risques sanitaires confirmés pour les enfants
Les formes solides de manioc — couac et kassav notamment — concentrent davantage le plomb, au point de poser un risque réel pour la santé. Chez les jeunes enfants, une consommation régulière peut entraîner des taux sanguins de plomb susceptibles de provoquer du saturnisme, une intoxication grave aux métaux lourds. Les concentrations relevées sont proches de la limite maximale européenne de 0,35 microgrammes de plomb par gramme de manioc sec.
Quelles suites pour protéger les populations ?
Des études complémentaires sont déjà envisagées, afin de mieux cerner les autres sources alimentaires de plomb et les effets des modifications des habitudes alimentaires provoquées par la maladie du manioc. En parallèle, l’ARS poursuit ses efforts de recherche avec le programme Éclat, axé sur l’étude de la contamination par les métaux lourds dans les écosystèmes guyanais, notamment autour du fleuve Maroni.
Les recherches se poursuivent pour comprendre les mécanismes de transfert du plomb du sol à l’aliment et pour proposer des solutions de prévention adaptées.