Le Centre Spatial Guyanais fête ses 50 ans
La première fusée, Véronique, a été lancée le 9 avril 1968. Retour sur 50 ans d'une histoire spatiale française et européenne.
Pourquoi la Guyane ? Un choix stratégique
En 1962, l'Algérie devient indépendante après la signature des accords d'Evian. Les scientifiques du Centre national d'études spatiales (Cnes) sont alors contraints de déplacer le site de lancement de fusées qui était situé sur le sol algérien à Hammaguir.
Le Cnes se lance dans la quête d'une nouvelle terre pour son centre aérospatial. Quatorze sites d'Outre-mer et à l’étranger sont étudiés. Leur point commun : une situation géographique près de l'équateur.
L’objectif est de diminuer les coûts en consommant moins de carburant. En effet, lors du lancement d'une fusée, la force d'attraction terrestre est telle qu'il faut la propulser dans l'espace avec une quantité important d’énergie. L'intensité de la pesanteur étant plus faible à l'équateur qu'aux pôles, il faudra mathématiquement fournir moins d'énergie donc moins de carburant pour libérer la fusée de cette force depuis un site situé à proximité de l’équateur. L'équateur présente d'autres caractéristiques hautement attrayantes pour les lancements de fusées. Ainsi, la rotation de la Terre exerce une force centrifuge, laquelle expulse les objets de leur trajectoire, qui est plus importante au niveau de l’équateur. En outre, la plupart des satellites qui sont envoyés dans l'espace le sont sur une orbite géostationnaire. Or, cette orbite passe par un plan qui se situe au-dessus de l'équateur. En étant tiré de l'équateur, un engin spatial est donc moins loin de la bonne orbite située juste "au-dessus" du point de tir.
Outre sa proximité avec l’équateur, la Guyane offre plusieurs garanties pour le bon déroulement d'un lancement de fusée. La faible densité de la population ainsi que sa grande ouverture sur l'Océan Atlantique diminuent les risques humains et matériels en cas d'accident. Par ailleurs, la Guyane est l'abri de catastrophes naturelles telles que les cyclones ou séismes. Enfin, la Guyane est un territoire français. L’État n’a donc pas eu besoin de composer avec les autorités locales et a de ce fait disposé de marges de manœuvre importantes et d’une sécurité juridique et foncière sur le long-terme.
Pour ces motifs, le 14 avril 1964, le Président de la République française Georges Pompidou opte donc pour Kourou, en Guyane, parmi l’ensemble des sites envisagés. C’est la date de naissance du Centre spatial guyanais (CSG).
Les victimes collatérales de ce choix ont notamment été les habitants du village Malmanoury. Leur déménagement forcé avait alors scandalisé une partie de l’opinion publique. Un reportage d’archive de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) illustre l’installation du CSG (voir ici http://www.ina.fr/video/CAF97002766 )
De Véronique à Ariane 6 … Plusieurs générations de fusées ce sont succédées
La première fusée Véronique décollait du Centre spatial guyanais (CSG) le 9 avril 1968 (Photo en Une). Dans les années 1970, 8 fusées appelées Diamant (B et BP4) ont été lancées entre 1970 et 1975. 2 des lancements ont toutefois échoués. Le seul et unique lancement de la fusée Europa 2 fut également un échec en novembre 1971. Le premier grand succès vient avec le lancement de la première Ariane, un jour de Noël, le 24 décembre 1979.
Premier lancement d'Ariane © CNES/ESA, 1979
Le second lancement d’Ariane 1 est néanmoins un échec. Plusieurs tests seront alors effectués durant un peu plus d’un an. Le lanceur, finalement opérationnel en 1981, sera utilisé pendant quatre années. Ariane 1 est à l'origine de 11 lancements. Parallèlement, dans le but de structurer le projet Ariane, la société française Arianespace est créée en 1980 afin de commercialiser et exploiter les systèmes de lancement spatiaux développés par ArianeGroup.
Succession surprenante, Ariane 3 a été lancée avant Ariane 2, en 1984. 6 lancements d'Ariane 2 ont été effectués jusqu’en 1989, après un premier échec le 31 mai 1986. Ariane 2 et Ariane 3 bénéficient de meilleures capacités avec des propulseurs d'appoint à poudre et des moteurs plus performants. S'ajoute aussi une augmentation du volume de la coiffe qui permet de lancer deux satellites pour un même vol. Ariane 3 a été lancée le 4 Août 1984. Elle a réalisé onze lancements jusqu'en 1989.
Ariane 2 sur son pas de tir au CSG © Arianegroup
Ariane 4 va rapidement prendre la relève. Lancée le 15 juin 1988 pour la première fois, elle met en orbite près de 200 satellites jusqu'en 2003. Exploit : le tir du 21 janvier 1990 a permis le lancement de sept satellites.
Premier lancement d'Ariane 4, le 15 juin 1988. © CNES/ESA/Arianespace
Coup dur pour le CSG en 1996, lors du premier lancement d'Ariane 5, puisque l’engin a explosé dans le ciel à quelques kilomètres de Kourou, 39 secondes après le départ. (Voir vidéo ici https://www.youtube.com/watch?v=kYUrqdUyEpI ). Plus d'un an après, le second lancement est un succès. La fusée impressionne avec sa capacité de 9,5 tonnes de charge.
Maquette d'Ariane 5 au Centre Spatial Guyanais, Kourou (Photo : A.BeharyLS
Depuis les années 2000, le CSG s'est diversifié dans ses lancements : la fusée russe Soyouz réalise un premier départ en 2011 puis la fusée italienne Vega en 2012. Après une série de 82 tirs consécutifs réussis, Ariane 5 laissera bientôt place à Ariane 6, en 2021.
Chantier Ariane 6 - Centre Spatial Guyanais (Photo : N.Mézil)
A l’occasion des 50 ans, le CSG accueille les pionniers du spatial et propose une visite des installations qui ont servi il y a 50 ans.