Économie : un an après le mouvement social de mars-avril
À l'occasion de l’anniversaire du mouvement social de mars-avril dernier, la rédaction de Radio Péyi vous propose un point d'étape, secteur par secteur, de l'accord de Guyane signé le 21 avril 2017 après un mois de mobilisation.
Dans « 10 minutes pour comprendre », Mathilde Romagnan revient sur le volet « économie » de l’accord de Guyane avec Stéphane Lambert, président du Medef au moment des mouvements sociaux de mars-avril 2017. Voici l’essentiel de ses propos.
Où en est-on de l’avancement de l’accord de Guyane pour le pôle économique ?
Des choses ont été mises en place, d’autre pas, d’autres points ne le seront jamais. Sur le pôle économique, il faut distinguer deux parties. Il y a ce qui fait partie du plan d’urgence, donc les 30 mesures, dont l’essentiel a été chiffré, à l’exception du pacte fiscal et social. A côté de cela, nous avions négocié des accords sectoriels avec un tronc commun économique. Le plan corail devait également être mis en place. Il comportait les 25 000 euros prêtés aux chefs d’entreprise pour les très petites entreprises (TPE) et a été mis en place il y a seulement un mois. Sur les moratoires relatifs à la sécurité sociale, la Caisse de la sécurité sociale a rapidement mis en œuvre le dispositif, mais uniquement sur un trimestre, alors qu’il était prévu pour trois trimestres. Cela aurait pu améliorer la trésorerie des entreprises. Parmi 1,086 milliards d’euros du plan d’urgence, il y a la construction de plusieurs bâtiments publics. Cela prend du temps pour les entreprises du BTP.
Ce pacte fiscal et social était prévu pour favoriser le démarrage de l’économie. Qu’est-il devenu ?
Il est en cours de travaux. Tout se passe dans les ministères, donc sans nous. Le ministre Darmanin a précisé que ce pacte fiscal serait intégré à la fin des Assises des Outre-mer. On peut donc penser qu’il sera revu dans le courant du mois de mai. En parallèle, la ministre des Outre-mer a remis à plat l’essentiel des dispositifs d’aides ou de compensations de surcoût pour l’ensemble des Outre-mer. Il est clair que la totalité des accords ne seront pas appliqués puisqu’il était prévu une mesure transitoire 2017-2018. On est déjà en 2018 et le texte n’est pas sorti. Malheureusement, on n’aura pas une baisse significative des prélèvements sur les salaires.
Un an après sur le mouvement social, pouvez-vous nous dire comment vous l’avez vécu ?
Chacun l’a vécu à sa façon. C’était pour moi beaucoup de pression à gérer et très décevant. On a vraiment l’impression, avec du recul, que le mouvement a été récupéré et qu’on aurait pu avancer d’une meilleure façon. Il reste un goût amer. Le pôle économique avait demandé la levée des barrages, après deux semaines de blocage. Il s’est donc mis en opposition avec le collectif Pou Lagwiyann Dékolé. C’était une période très difficile, il a fallu agir. On a voulu être solidaires jusqu’au Conseil des ministres qui validait l’ensemble des accords. Je sais que je me suis pris un « carton rouge » à ce moment-là. Les socioprofessionnels avaient commencé à avancer dans les accords. On aurait souhaité faire avancer les choses autrement. Heureusement que, des crises comme celle-ci, on n’en connait pas souvent.
Quelles ont été les conséquences économiques pour les entreprises ?
Il est très difficile de comparer. En tout cas, sur les trois premiers trimestres de l’année 2017, il y a eu un peu moins de salaires versés qu’à la même période pour les années précédentes. Les créations d’entreprise ont chuté au deuxième trimestre 2017. Ca reviendra mais il faut encore un peu de temps. Certaines entreprises ont eu du mal à s’en remettre. Les métiers dans le secteur du bâtiment, qui ont souffert comme bien d’autres, devraient avoir des années fastes prochainement. On estime à des dizaines de millions d’euros les pertes sur cette période-là.
Avec le recul, est-ce que vous pensez que ça valait le coup de se mobiliser ?
Bonne question. Il y a eu des effets positifs et négatifs. Les cagoules ont fait très peur, depuis la France, dans le contexte de la montée du terrorisme. Par contre, la Guyane existe maintenant davantage. Je pense qu’on en tient compte davantage dans les ministères et dans les hémicycles. Ce qui est dommage, c’est que l’investissement aurait pu être nettement moins coûteux et on aurait eu un retour plus efficace si on avait arrêté de bloquer sans négocier. On aurait pu négocier avec le nouveau gouvernement directement. Mais il faut être optimiste, le 28 mars a montré que l’ensemble de la société guyanaise pouvait se réunir et montrer des valeurs positives.
(Photo en Une : A.BeharyLS)