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Des « profits suspects » du groupe GBH révélés par Libération

Dans une enquête, le journal « Libération » s’intéresse aux comptes du groupe Bernard Hayot dans le contexte sulfureux de vie chère aux Antilles, et au fonctionnement de la Holding et de ses filiales. GBH répond et évoque des « attaques infondées et approximatives » à nos confrères de RCI.

  • Par: adminradio
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La lutte contre la Vie Chère aux Antilles et les spécificités de nos territoires intéressent bien au-delà des Antilles et de la Guyane. Jeudi dernier, c’est le quotidien national Libération qui publie une enquête sur les comptes de GBH.

Dans cet article de deux pages, le journal interroge notamment, sous couvert d'anonymat, un cadre du groupe, employé dans le secteur automobile, mais aussi Christophe Girardier, un consultant indépendant qui alerte, depuis plusieurs années, sur des pratiques anticoncurrentielles en Outre-Mer ou encore Max Dubois, fondateur de l’association République et développement, connu pour dénoncer les lobbies antillais, notamment dans le secteur de la banane.

Selon les documents auxquels Libération précise avoir eu accès, dans le domaine de l’automobile, la marge nette de GBH aux Antilles-Guyane serait 3 à 4 fois supérieure à celle pratiquée dans l’Hexagone sur chaque véhicule. Dans cet article, qui s’intéresse essentiellement au secteur de l’automobile, GBH est accusé de marges exorbitantes et d’entorses à la concurrence.

Le quotidien rappelle, même si ce n’est pas propre à GBH, que les prix sont jusqu'à 40% plus élevés que dans l’Hexagone dans le secteur de la grande distribution. Libération revient aussi sur l’opacité financière imputée au groupe et dénoncée, notamment par Johnny Hajjar, l’ancien député martiniquais, rapporteur du rapport sur le coût de la vie dans les territoires d'Outre-Mer.

Comptes sociaux déposés en décembre

En décembre, un peu avant les fêtes, le groupe, assigné par plusieurs citoyens devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, a d’ailleurs publié six années de comptes sociaux (2018 – 2013). Il s’agit du minimum légal prévu par la loi mais pas des comptes consolidés. Difficile, donc, d’en tirer de quelconques conclusions. D’autant que le nombre de filiales de GBH n’y apparaît pas.

Dans l’article, toujours en référence avec l’automobile, GBH est aussi accusé de cadenasser le marché et de s’accorder avec la concurrence sur l’élaboration des prix. Pour justifier de telles différences avec l’Hexagone, « l'entreprise met systématiquement en avant les «frais d'approche», notamment les charges liées au transport et à l'octroi de mer », indique Libération. Ainsi que d'autres charges liées à la logistique, la gestion des stocks ou les coûts d'assurance. Sans préciser que beaucoup de ces frais profiteraient en réalité à d'autres filiales du groupe.

Cette architecture complexe et opaque permettrait ainsi d'accumuler les marges, mais aussi de ventiler les bénéfices en allégeant artificiellement les comptes d'exploitation des entités les plus rentables.

Audience le 23 mars

Plusieurs rapports ont déjà pointé du doigt ces situations d’économie de comptoir. Le dernier a été rendu à Emmanuel Macron en décembre dernier par Pierre Egéa, juriste reconnu et Frédéric Montlouis, consultant. 

Dans celui-ci, dont une synthèse a été diffusée cette semaine par le journal Le Monde, les rapporteurs appellent le chef de l’Etat à mettre en place une concurrence non faussée en Outre-mer et à encadrer les marges arrières des distributeurs.

Cette question des « marges arrière » est d’arrière mise en avant par Libération comme un un élément fondamental pour expliquer les coûts élevés en bout de chaîne, pour le consommateur, des prix de l’alimentaire.

Après deux renvois, un à la demande de GBH et un à la demande des lanceurs d'alerte, le dossier de GBH revient devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France le 23 janvier prochain. 

La juridiction dira alors si, oui ou non, le groupe est désormais en règle avec la publication de ses comptes et s'il y a lieu, ou pas, de prononcer une amende. 

La réponse du groupe GBH

C'est par voie de communiqué que le Groupe Bernard Hayot réagit, vendredi 10 janvier , au lendemain des articles publiés par Libération. Pour GBH, ces articles ont « clairement pour objectif de déstabiliser (le) groupe » : 

Ils s’appuient sur nos détracteurs habituels et un ancien salarié qui nous dénigre et nous diffame dans un esprit de vengeance. Ces attaques instrumentalisent notre groupe. Elles sont infondées et approximatives, sans considération pour nos salariés, nos clients et nos fournisseurs”.

Le directeur général du groupe Bernard Hayot, Stéphane Hayot, lors d’une réunion de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM), le 16 octobre 2024. © Philippe LOPEZ / AFP

GBH assure « déplorer que le journaliste n’ait pas tenu compte des réponses précises, chiffrées et sourcées que nous lui avons adressées, pour faire suite aux questions qu’il nous a envoyées avant la parution de l’article ».

Sa réponse sur les niveaux de marge en Outremer : 

« Dans la grande distribution alimentaire, nos marges sont très comparables à celles pratiquées dans l’Hexagone. Dans l’automobile, le métier n’est pas le même que celui d’un distributeur dans l’Hexagone. En effet, comme nos concurrents localement, nous faisons deux métiers, celui d’importateur et de distributeur. Le métier d’importateur consiste à commander, stocker, former les équipes, distribuer et mettre en œuvre la communication et la stratégie de la marque. L’entreprise finance entre 3 et 5 mois de stock pour les voitures neuves et entre 3 et 6 mois de stock pour les pièces de rechange, cela n’existe pas dans l’Hexagone. Ce métier demande donc des immobilisations financières très importantes. Les marges pratiquées dans les Doms sont les mêmes que celles constatées à l’international pour des opérateurs qui sont à la fois importateurs et distributeurs. Nous nous efforçons de proposer des prix les plus attractifs possibles et d’offrir un très bon niveau de service à nos clients. Si nos prix n’étaient pas compétitifs, nos clients iraient chez nos concurrents ! »

Sa réponse sur la concurrence en Outremer :

« Le marché de la grande distribution dans les territoires d’Outre-Mer met en concurrence de nombreux acteurs. GBH n’y est en aucune manière en position dominante. De nombreuses enquêtes et contrôles par les autorités de concurrence attestent de cette situation. Dans l’automobile, les marchés ultramarins sont également très concurrentiels et suivis par les constructeurs qui défendent âprement leurs parts de marché. Dans ce contexte, notre performance commerciale ne peut se réaliser que grâce à un positionnement tarifaire agressif. La forte contrainte sur les marges a d’ailleurs provoqué de grandes difficultés financières ces dernières années chez de nombreux acteurs de ce marché. Si on ajoute l’arrivée des nouveaux constructeurs chinois, et les nombreux cas de redistribution de portefeuilles de marques décidées par les constructeurs, on ne peut que constater que le marché n’est absolument pas figé mais bien au contraire extrêmement dynamique et concurrentiel. Ainsi en 2024, par exemple, les marques JEEP et FIAT ont changé d’importateur dans certains territoires d’Outre-Mer, dont la Martinique »

Pour GBH, « le problème de la vie chère est bien antérieur à l’existence de GBH et trouve son origine dans une problématique structurelle : l’éloignement. En 1952, 8 ans avant la création de notre groupe, l’Etat accordait déjà une prime de vie chère à ses fonctionnaires ».

Dans son communiqué, le groupe dit « rester mobilisé » pour « contribuer à trouver des solutions pour faire baisser les prix et combattre la vie chère ».