Le carnaval annulé, ce n'était pas arrivé depuis 75 ans
Armand Hidair, passionné d’histoire et de carnaval, raconte cette période où les festivités ont été annulées. Voyage dans le temps où la violence avait remplacé la fête.
Tout est parti d'accrochages entre des tirailleurs Sénégalais et la population
Il y avait à cette époque un bataillon de tirailleurs Sénégalais qui avait pour mission la sécurité et la protection du territoire. En février 1946, un dimanche après-midi de carnaval à Cayenne, des échauffourées éclatent entre des habitants et les membres d'un régiment de tirailleurs Sénégalais.
« Nous étions en plein carnaval, après le vidé en fin d’après-midi, un tirailleur a tenté d’arracher le masque d’une danseuse puis ses amis interviennent pour la défendre. L’incident prend de l’ampleur et devient un combat général de rue. Il dure une bonne partie de la nuit. Et font fermer tous les lieux de bal »
Les violences durent plusieurs jours et des personnes sont même assassinées par les militaires comme les spectateurs d'un cinéma par exemple. Ces échauffourées font huit morts et une cinquantaine de blessés. Les autorités interviennent et le gouverneur décide l'arrêt du carnaval. Jusqu'en 1950, le premier préfet du département, Robert Vignon, maintient l'interdiction des dancings, seuls quelques défilés sont organisés.
Les festivités mettent des années à reprendre leur forme originelle
A partir de 1950, des petits dancings reprennent une activité mais toujours pas de grands bals du samedi soir précise Armand Hidair.
« En 1950, des mini salles de bals reprennent à Cayenne : les dancings Eloi ou celui de Monsieur Smol, « le roi du colombo » au Canal Laussat. Mais ce n’étaient pas des bals parés-masqués. Tout comme les défilés dans les rues, ils n’étaient toujours pas autorisés ».
Il faut attendre la fin de la décennie, vers 1957-58, pour que les bals parés-masqués reprennent dans leur forme originelle, avec Evelina Modica, dit « Nana », d’où le nom de l’actuelle célèbre salle « Chez Nana ». Les premiers touloulous ont réapparues, mais faute de vêtements, elles ont été habillées grâce au syndicat d'initiative de la Ville de Cayenne.
Après le départ des tirailleurs Sénégalais, le carnaval de Guyane s’est plutôt bien approprié cette période de l'histoire puisque la tenue des tirailleurs, vêtement beige et couvre-chef rouge, a été reprise dans les défilés et devient l'un des costumes traditionnels du carnaval de Guyane.