Qui est Jimmy “Barbecue” Chérizier, l’homme à la tête du chaos en Haïti ?
“Soit Haïti devient un paradis pour tous, soit Haïti devient un enfer pour tous”, menace Jimmy “Barbecue” Chérizier dans une vidéo parue cette semaine sur les réseaux sociaux. On y voit un homme lourdement armé, équipé d’un gilet pare-balles et entouré d’individus armés et cagoulés.
Un attirail qui trahit le passé de Chérizier, anciennement membre d’une unité d’élite au sein de la police haïtienne. Dans une interview donnée publiquement aux médias le 5 mars 2024 et relayée sur AJ+, l’homme réclame la démission du président par intérim Ariel Henry, qui aurait dû quitter son poste le 7 février, date à laquelle aurait dû se tenir une élection présidentielle qui n’a pas eu lieu.
“Si Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, le pays ira droit à la guerre civile qui débouchera sur un génocide.”, promet-il.
Celui-ci était en déplacement au Kenya pour signer un accord de soutien à la crise sécuritaire qui frappe son pays depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. Au vu de la situation de chaos qui règne dans la capitale haïtienne, l’avion présidentiel s’est posé à Porto-Rico après s’être vu refuser l’atterrissage en République Dominicaine.
Gangs et politique: quand le pouvoir s’en(m)mêle
Si les méthodes employées par les gangs de Chérizier plongent la capitale haïtienne dans un bain de sang, l’homme affirme se battre contre ceux qu’il désigne comme étant responsables des problèmes de la société haïtienne :
"C'est contre le système que je me bats. Ce système a beaucoup d'argent et contrôle les médias. Maintenant, ils me font passer pour un gangster", a-t-il déclaré à Al Jazeera.
Ce “ils” dont parle Barbecue, c’est le pronom d’une tradition politique haïtienne où les forces criminelles sont employées par le pouvoir pour régler les situations difficiles. Selon le site InSight Crime, avant l’assassinat du président Moïse, 50% du financement du G9 provenait du gouvernement, soupçonné d’utiliser ces factions armées pour régler ses comptes politiques dans des zones d’opposition et maintenir une forme d’ordre social. Le gouvernement leur fournissait alors des armes, des uniformes de police mais aussi des véhicules officiels.
La mort du président Moïse aura vraisemblablement fait perdre à Chérizier le soutien du pouvoir mais il utilisera cette période de chaos pour accroître son influence à travers la capitale. Usant de toute la force de frappe dont il dispose, il ira même jusqu’à établir son contrôle sur le terminal Varreux, responsable de la distribution de pétrole en Haïti, et bloquera pendant un mois la vente de carburant.
Justicier du peuple et/ou criminel internationalement recherché ?
A travers ses vidéos sur les réseaux sociaux, Chérizier se positionne comme un révolutionnaire qui se bat contre l’injustice et la politique économique du gouvernement d’intérim qu’il accuse de corruption.
"Nous nous battons pour une autre société - une autre Haïti qui n'est pas réservée aux 5 % de personnes qui détiennent toutes les richesses, mais une nouvelle Haïti où tout le monde peut avoir de la nourriture et de l'eau potable, afin d'avoir une maison décente pour vivre, une autre Haïti où nous n'avons pas besoin de quitter le pays", a-t-il déclaré à Al Jazeera.
Mais le groupe G9 est tristement connu pour ses extorsions de commerçants ou de transporteurs routiers, rackettés par les gangs, et ses kidnappings. Des méthodes qui ont amené les Nations Unies et les Etats-Unis à émettre des sanctions contre ses gangs pour violation des droits humains et attaques contre des civils. La plus meurtrière a fait 71 morts, détruit 400 habitations et permis le viol d’au moins 7 femmes, selon un rapport américain en 2021.
Haïti est désormais en attente de forces extérieures, appelées en soutien par Ariel Henry. Le Kenya, entre autres, a répondu présent et devrait mobiliser un millier de policiers en soutien à la police haïtienne. Un déploiement décrié par la population, qui garde le souvenir des exactions des dernières missions pilotées par les Nations Unies, responsables de l’épidémie de choléra de 2010. Des inquiétudes s'élèvent également au sujet de la police kényane, tristement connue pour sa brutalité et ses abus de pouvoir. Elle serait responsable de plus de 500 assassinats entre 2019 et 2021 selon l'ONG International Justice Mission.
Chérizier, quant à lui, a affirmé accueillir à bras ouverts les policiers internationaux s’ils venaient arrêter Ariel Henry et le démettre de ses fonctions.